Tu t’es toujours demandé si tes cours de français te seront utiles pour bâtir des descriptions ? Si on déblatère des heures sur les figures de styles, les topoï, le sens d’une porte ouverte ou close et les couleurs, c’est que ça a une fonction, non ? La réponse est oui… mais non…
Je m’explique.
1) Faire une description et analyser une description : presque rien à voir.
Je vais encore briser des mythes, appelle-moi le Grinch de l’écriture. Les trois quarts des choix que l’on fait en tant qu’auteur sont pratiques et inconscients.
Ça ne veut pas dire que ces choix n’ont pas d’interprétation après coup. En gros, l’écrivain est un genre de patient et le critique littéraire est chargé de sa cure psychanalytique.
Ce qui veut dire que tu peux tout à fait poursuivre l’écriture sans te poser trop de questions toutefois, tu ne comprendras jamais pourquoi tu fais tel ou tel choix. Mais si tu es là, c’est que tu t’interroges et que tu veux comprendre ce qui se passe sous le capot de la voiture métaphorique de l’écriture (j’aime la métaphore génitive).
2) Une description c’est quoi ?
“Description begins in the writer’s imagination, but should finish in the reader’s.”
« La description commence dans l’esprit de l’auteur.e mais doit finir dans celui du/de la lecteur.ice. »
― Stephen King, On Writing: A Memoir of the Craft – traduction Ilhem H
Enfonçons des portes ouvertes (et espérons qu’elles aiment ça…) la description permet au lecteur de se représenter mentalement l’espace, le temps et les personnages. Ça, c’est le niveau de base. Dans un premier temps, assure-toi simplement que l’on comprenne où on est, à quoi ressemblent les personnages et à quel moment se déroule l’action.
Quand tout sera en place, il faudra inclure d’autres paramètres à ton équation mentale. Et c’est là que ça se complique.
3) Cerner son point de vue :
Une description est toujours faite par quelqu’un. Qu’il s’agisse du regard d’un narrateur omniscient ou de celui d’un personnage en point de vue interne, il faut adapter son langage en fonction de celui qui raconte.
Très simplement, un jeune noob qui découvre la magie n’aura pas la même vision des choses qu’un sorcier aguerri : Harry Potter serait une toute autre histoire racontée au travers du regard de Dumbledore.
Un pirate utilisera aisément des images navales ; une haut gradée de l’armée, un langage militaire ; un personnage candide s’émerveillera de tout ; une cynique descendra tout en flèche. Je pense que vous avez saisi l’idée.
4) Description longue VS description courte :
T’es mignonne avec tes conseils mais moi je veux juste savoir si et quand je dois écrire de longues descriptions ou si je dois faire dans le laconique.
Alors, darling, la réponse est simple : de la même façon qu’on n’utilise pas un chalumeau pour allumer une bougie chauffe-plat, il faut savoir doser ses passages descriptifs en fonction de la situation.
a. La description longue :
- marque une pause dans le récit ;
- rend important l’objet décrit ;
- pose une atmosphère (souvent oppressante).
b. La description courte :
- dynamise la narration ;
- place l’objet décrit au second plan.
Comme toujours, cette « classification » est générale et on peut débattre à l’infini des variantes, des jeux basés sur les attentes des lecteurs et des exceptions de genre (on en reparlera par la suite) mais globalement, ça fait le taf.
5) Les outils de base pour étoffer sa description :
- Utiliser les 5 sens : la vue c’est cool mais pour créer une immersion totale, pense à impliquer tous les sens (vue, ouïe, odorat, goût, toucher).
- Métaphore et comparaison : une phrase bien imagée vaut parfois un paragraphe de description achalandée.
- Construis des images uniques en jouant avec le langage de tes personnages et des références à ton univers.
- Oublies les mots compliqués et rares qui sortent le lecteur de l’histoire à coups de pied au c*l (oui, ça sent le vécu).
6) Ce qu’en dit Stephen King :
“One of the really bad things you can do to your writing is to dress up the vocabulary, looking for long words because you’re maybe a little bit ashamed of your short ones. This is like dressing up a household pet in evening clothes. The pet is embarrassed and the person who committed this act of premeditated cuteness should be even more embarrassed.”
« L’une des très mauvaises choses que tu peux infliger à ton style est de pomponner le vocabulaire en recherchant des mots compliqués parce que, peut-être, tu as un peu honte de tes mots simples. C’est comme mettre un déguisement à un animal de compagnie : l’animal a honte et la personne responsable de cet acte prémédité de préciosité devrait avoir encore plus honte. »
― Stephen King, On Writing: A Memoir of the Craft – Traduction Ilhem H
Je vous glisse cet ouvrage de référence. Écriture : mémoire d’un métier par Stephen King.
Ce qu’il faut retenir :
- N’utilise de longues phrases que si elles ont un sens : le personnage est submergé par ses émotions et ça se voit dans sa syntaxe, tu ménages le surgissement d’une punchline, tu utilises l’énumération/ le rythme ternaire/ la gradation…
Bref, tu connais l’adage : la culture c’est comme la confiture : moins t’en as plus tu l’étales.
Les grand.e.s auteur.e.s n’ont pas besoin de montrer qu’ils sont bons, ils se contentent de l’être. Inutile de se répandre en figures de styles, plus elles seront rares, plus elles auront d’impact. Et n’oublie pas :
Une bonne description ça s’apprend :
“Good description is a learned skill, one of the prime reasons why you cannot succeed unless you read a lot and write a lot. It’s not just a question of how-to, you see; it’s also a question of how much to. Reading will help you answer how much, and only reams of writing will help you with the how. You can learn only by doing.”
« Une bonne description, ça s’apprend. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles tu ne peux pas réussir à moins de lire et d’écrire beaucoup. Ce n’est pas juste une question de « comment faire une description », tu vois, c’est aussi une question de « quelle quantité de description ». Lire te permettra de répondre à la question de la quantité et seulement des tonnes d’écriture t’aideront à savoir comment faire. Tu ne peux apprendre qu’en faisant. »
― Stephen King, On Writing: A Memoir of the Craft – Traduction Ilhem H
Alors crois en toi et retourne écrire !
With love ♥
I.H.
2 Responses
Merci beaucoup pour ces explications . Un texte illustré de Ru Paul et Dumbledore en plus. Je ne peux que m’agenouiller.
Hahaha ! Je savais que tu serais sensible à mes images percutantes xD J’espère que ça t’a un peu aidée et si tu as d’autres questions, n’hésite pas ! J’irai creuser dans les archives ♥